Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/164

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nous pardonner. Nous pardonner ? Qui donc pourrait, sans s’avilir, remettre un tel forfait ? Non, il n’a point pardonné, mais il a compris. Il a connu qu’au bûcher, au saut de la chapelle, à l’embuscade contre les lépreux, Dieu nous avait pris en sa sauvegarde. Il s’est alors rappelé l’enfant qui, jadis, harpait à ses pieds, et ma terre de Loonnois, abandonnée pour lui, et l’épieu du Morholt, et le sang versé pour son honneur. Il s’est rappelé que je n’avais pas reconnu mon tort, mais vainement réclamé jugement, droit et bataille, et la noblesse de son cœur l’a incliné à comprendre les choses qu’autour de lui ses hommes ne comprennent pas : non qu’il sache ni jamais puisse savoir la vérité de notre amour ; mais il doute, il espère, il sent que je n’ai pas dit mensonge, il désire que par jugement je trouve mon droit. Ah ! bel oncle, vaincre en bataille par l’aide de Dieu, gagner votre paix, et, pour vous, revêtir encore le haubert et le heaume !… Qu’ai-je pensé ? Il reprendrait