Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/268

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vez-vous pas déjà mangé ? N’êtes-vous pas repus ? »

Le roi, s’étant diverti du fou, demanda son destrier et ses faucons et emmena en chasse chevaliers et écuyers.

« Sire, lui dit Iseut, je me sens lasse et dolente. Permettez que j’aille reposer dans ma chambre ; je ne puis écouter plus longtemps ces folies. »

Elle se retira toute pensive en sa chambre, s’assit sur son lit et mena grand deuil :

« Chétive ! pourquoi suis-je née ? J’ai le cœur lourd et marri. Brangien, chère sœur, ma vie est si âpre et si dure que mieux me vaudrait la mort ! Il y a là un fou, tondu en croix, venu céans à la male heure : ce fou, ce jongleur est chanteur ou devin, car il sait de point en point mon être et ma vie ; il sait des choses que nul ne sait, hormis vous, moi et Tristan ; il les sait, le truand, par enchantement et sortilège. »

Brangien répondit :

« Ne serait-ce pas Tristan lui-même ?