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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/200

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2 LE SYLPHE SOIRÉE D'AUTOMNE SOUVENIRS DE VINGT ANS —- I La nuit d'octobre étendait son voile épais sur la blanche campagne. Il faisait froid, très froid! Là-bas, la neige tombait en gros flocons. . . Et moi, simple mortel, je rêvais! Dans mon rêve, je me voyais au temps de ma jeunesse, de cette jeunesse où tout vous paraît or et émeraudes, et qu'hélas! on dissipe généralement trop vite. . . Je revoyais cette adorable Marguerite que j'aimais d'un amour si grand qu'il touchait presque à la folie. . . Immense et doux amour ! Je la revoyais, cette élue de mon cœur, trottinant sur le ma cadam lorsqu'elle se rendait au magasin, là-bas, dans la basse ville. Son regard était pour moi le rayon de soleil qui réchauffe la plante engourdie par la nuit. . . La nuit était pour moi l'écœurement de mon cœur produit par ces passions néfastes qui ont la durée d'un jour. . . Ah! j'étais bien heureux quand il m'était permis, le soir... tenez, une soirée comme celle-ci, où tout autour de la table au tapis rouge et noir, on faisait ces parties de cartes tant désirées. . . . Elle était là, tout près de moi, celle à qui j'avais donné mon cœur. Elle ne le savait pas encore ! Je la mangeais des yeux, et je ne sais pourquoi, moi qui devais lui paraître indifférent, je me figurais toujours que ma présence lui était agréable. Etait-ce une intuition de ce que l'avenir me réservait?. .. Combien, eussé-je donné pour lire alors dans ce cœur vierge et pur de jeune fille, pour y voir la place qu'y tenait mon souvenir!