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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/201

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REVUE DES ÉCRIVAINS DAUPHINOIS 3 Kt cependant j'étais heureux, heureux de la voir seulement, là, près de moi, sans lui rien dire ; heureux de voir ces petits cheveux ondulés sur son front divin; heureux d'entendre ce sourire argentin que je lui aimais tant ; heureux de toucher, de frôler un petit bout de sa robe; heureux lorsqu'elle daignait me dire quelque banalité que je trouvais adorable parce qu'elle était adorée! Un soir — oh ! ce soir-là, je ne l'oublierai de ma vie — un soir, elle me fit les cartes. Je vous paraîtrai peut-être ridicule, lecteur ami, mais qui conque a aimé d'un amour aussi sincère que le mien, me com prendra, eh bien, — heureusement que ces réflexions ne sortiront de mon journal — eh bien, c'est en tremblant que j'attendis le résultat de cette opération. Je me figurais que de ce moment ma vie devait être remplie d'épines et de roses, — mon avenir était dans les mains de Marguerite — suivant que l'arrêt des cartes me serait ou non favorable. Oui, je tremblais. . . je tremblais et j'étais heureux, heureux comme on l'est à vingt ans, quand on a, au cœur, le plus pur des amours! II La nuit d'octobre étendait son voile épais sur la blanche campagne. Il faisait froid, très froid ! Là-bas, la neige tombait en gros flocons. . . Et moi, simple mortel, je rêvais ! Je rêvais à ce jour inoubliable où il me fut permis de posséder Marguerite. Marguerite, ma femme ! C'est une joie que j'eusse voulu faire partager à l'univers. . . car dans tout l'univers on n'eut pu trouver un ange semblable. . . Iln'yenaqu'auCiel... Ah! les belles années que nous passâmes ensemble dans la petite maison deX... qui faisait les délices de ma compagne adorée. Et les petits marmots que nous chérissions fort, et qui poussaient, poussaient. . . sous les chaudes caresses du soleil maternel ! Ah! comme j'étais heureux! Comme nous étions heureux!