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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/203

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REVUE DES ÉCRIVAINS DAUPHINOIS 5 SUR LE GUA. A C. Niemand. Le temps est calme, le ciel est pur. Au-dessus de l'étroite rivière, les arbres mêlent leur feuillage dans lequel gazouille une myriade d'oiseaux. Sur l'onde transparente une petite barque glisse, rapide et légère; le bruit des avirons trouble seul le chant des oiseaux. La barque contient trois personnes : une jeune brunette d'une vingtaine d'années, un jeune homme à peu près du même âge et une enfant de douze à treize ans. Le jeune homme dirige l'esquif. Bientôt ses avirons cessent de battre l'eau, il se laisse entraîner par le courant et rive son regard à l'aînée de ses deux compagnes. Celle-ci a laissé rouler son chapeau dans le fond de la barque, elle regarde avec convoitise les bords de la rivière tout émaillés de myosotis. Le batelier a deviné la pensée de la promeneuse; d'un coup de rame il se rapproche de la berge, et, après quelques efforts, parvient à cueillir les fleurs convoitées qu'il s'empresse d'offrir à sa compagne. Elle accepte d'un air distrait sans même remarquer le regard éloquent qui dut accompagner les fleurs; ses yeux restent toujours attachés a la rive. La barque, alors, va reprendre sa position en plein courant, soudain la jeune fille se jette de côté, le bateau penche, l'eau passe par-dessus bord, tout le monde est mouillé, mais qu'importe! notre imprudente a pu atteindre quelques branches de la mignonne et emblématique fleurette. Son regard rayonne de contentement, et c'est alors seulement qu'elle songe à remercier le jeune homme du bouquet qu'il lui a cueilli, et lorsque ce dernier lui dit douce ment : En desiriez-vous donc encore? — Non, lui répondit-elle, mais j'en voulais cueillir moi-même. Et le soir, dans une longue et intime missive, la brune enfant glissa les fleurs à moitié fanées et couvertes de baisers. Elle envoya le tout, bien loin peut-être, mais assurément à un absent aimé. Le bouquet jeté négligemment sur une cheminée se fanait triste ment, tandis qu'au clair de lune le batelier rêvait à ses prome neuses de tantôt. Amélie NACHTIGALL.