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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/204

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O LE SYLPHE LE BAISER DE LA RELIGIEUSE NOUVELLE Par Emile TROLLIET. —x$*— Lorsque j'habitais L. . . petite ville du Midi, j'allais parfois rendre visite au vicaire-général du diocèse, M. l'abbé X... un des causeurs les plus aimables et les plus éloquents que j'ai ren contrés jusqu'ici. Il était séduisant à son insu, par nature. Il attirait d'abord par un sourire fin, cordial, un peu mélancolique, et retenait par ses idées qui chez lui devenaient toujours des sen timents. Né gentilhomme, il semblait aussi être né attendri : et l'on ne pouvait passer un quart d'heure avec lui, sans songera quelque Fénelon du XIXe siècle. De même que le cygne de Cam brai, il avait je ne sais quoi d'enveloppant, je ne sais quoi de mystique et de féminin. Très austère pour lui-même — comme le prouvaient son air souffrant, son visage ascétique, tout son corps amaigri qui n'était que l'enveloppe d'une âme — il était très indulgent pour les autres. Ce disciple du Christ se souvenait de toutes les paroles de son maître, mais surtout de celle-là : « Il faut beaucoup lui pardonner parce qu'elle a beaucoup aimé ». Dans sa carrière de prêtre, il avait dû rencontrer plus d'un drame intime et douloureux, et de ce voyage à travers les souffrances du cœur, son cœur était revenu plein de miséricorde. Chaste confident des âmes, il en savait plus long sur les bles sures de l'amour que beaucoup de romanciers et de poètes. J'avais pu m'en apercevoir dans plus d'un de ses entretiens. Un jour que notre conversation était tombée sur la guerre de 70, à laquelle il avait pris une part volontaire et glorieuse comme aumônier de l'armée, voici l'épisode qu'il me raconta : « C'était le soir de la funeste bataille d'Héricourt. Comme d'habitude, nos soldats, écrasés par le nombre, avaient dû reculer au moment de toucher une victoire décisive, et leur bravoure n'avait eu pour résultat que de rendre la défaite héroïque, mais sanglante. Aussi les ambulances regorgeaient de blessés; et sœurs de charité, chirurgiens, prêtres passaient çà et là, essayant d'ap porter à toutes ces victimes de la guerre, sinon un soulagement, du moins une consolation, sinon la guérison, du moins cette suprême pitié de l'être humain à l'être qui va mourir. J'allais donc de mutilé en mutilé, remplissant le plus vite et le mieux possible mon ministère de douceur et d'apaisement, lors que, au milieu de tous ces visages d'ouvriers et de paysans d'hier,