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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/234

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36 LE SYLPHE On arriva dans la chaumière. Sur un méchant grabat, un jeune gars, d'environ seize ans, était étendu, tremblant de la fièvre. — Bonjour, mon enfant, dit la douce voix; j'ai rencontré heureusement votre bonne mère; elle m'a parlé de vous. Courage! vous guérirez, j'en suis sûre; n'avez-vous pas le ressort de la jeunesse et la protection d'en-haut, qui descend sur les orphelins et les chaumières ? La belle inconnue serra dans ses mains délicates la pâle main du patient. Celui-ci leva de grands yeux noirs sur la radieuse ambassadrice de la charité et fut comme ébloui par cette adorable vision. Celle-ci se fit raconter la maladie de l'adolescent et l'histoire de Marthe, qui se résumait en ces mots : probité, labeur, ten dresse et souffrance. La voyageuse parla ensuite d'elle-même avec une exquise simplicité. Mariée à dix-sept ans, à un officier supérieur, en garnison dans la seconde ville de France, elle en avait alors vingt-cinq, et le seul nuage de son intérieur était la non-arrivée d'un baby, dont le berceau et les sourires eussent été la réalisation du plus doux rêve de ce noble ménage. La vicomtesse de M"*, d'origine irlandaise, mais française de naissance et de cœur, était bien la plus suave création dont se serait inspiré le pinceau de Lawrence. Elle venait passer quelque temps chez une parente Valentinoise, pendant que le colonel, son mari, allait travailler auprès du ministre de la guerre. Souvent, elle reverrait les deux infortunés et les quitta en leur laissant sa bourse. Puis, elle fit envoyer le meilleur praticien à la chaumière des Iles. II L'intéressant Noël s'était rétabli rapidement, grâce à des soins éclairés et à sa providence visible, personnifiée en la vicomtesse. Nous le retrouvons bientôt à Lyon, avec sa mère, devenue gouvernante de la maison de Mme de M***. On a fait instruire le jeune homme, dont la vive intelligence s'est développée à merveille, si bien qu'on l'a nommé secrétaire du général, qui l'aime comme un fils. Noël est soldat dans l'âme; c'est un personnage à taille découplée, svelte, avec une physionomie pleine de droiture et d'expression, au teint mat, sous de beaux cheveux noirs. Nous sommes en 1870, hélas! la guerre éclate, terrible, et il nous est cruel de nous rappeler les nuages sombres qui enve loppaient alors les heures de la France. Noël n'a qu'une pensée au cœur : suivre M. de M*" et combattre à ses côtés. Sa mère et sa noble bienfaitrice l'ont affectueusement embrassé, en pleu rant, mais, lui, rayonne d'ardeur belliqueuse; ce qui fait sourire