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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/256

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58 LE SYLPHE il y aura toujours une « certaine école » qui lui décochera toutes sortes d'excommunications. C'est pourquoi, Monsieur, en fait d' « écoles », je n'en accepterai pas et ne m'inféoderai à aucune. Je veux être « moi » si, un jour, je suis quelque chose. Cela a ses inconvénients, mais cela a ses avantages. Des inconvénients, ils sont nombreux; mais les avan tages sont certainement appréciables.

D'ailleurs, à quelle « école » pourrai-je bien appartenir? — Je suis de ceux dont la plume se refuse aux gais entraînements. Elle se briserait plutôt sous mes doigts. Un jour, peut-être, lira-t on ce qui composera mon faible bagage littéraire, et vous aurez tous, amis, le cœur serré si je ne parviens pas à vous arracher des larmes. — C'est vous, Monsieur, et votre « école expérimentée » qui, en croyant de faire de nous des sages, en faites des désespérés.

Or, je suis un de ces « désespérés » qui ont, une nuit, dans leur délire, entrevu l'idéal rêvé, et qui y ont couru. Mais un obstacle s'est élevé sur la route et je m'y suis brisé. Cela m'est arrivé deux fois et cependant je suis encore un « jeune ». Eh bien ! tant mieux. J'accepte ces blessures.injustement reçues et que l'on m'a fait par « expérience ». Puissent-elles encore sai gner et raviver ma douleur éternellement, afin que je puisse encore ecrire avec le fiel amer qui s'en échappera ! Alors, je serai un » vieux ». Qu'en direz-vous alors? — Vous admirerez votre œuvre.

Il est inutile, je crois, de se répéter. Je tiens cependant à repro duire une de mes phrases : j'ai le plus profond respect pour les cheveux blancs. Mais ceux qui se servent jusqu'à en abuser — c'est le triste privilège de cette condition — de leur « expérience » pour nous bafouer et nous décourager, font œuvre malsaine au point de vue moral. Laissez-nous, ô les « vieux », dans nos épanchements joyeux., et « inexpérimentés », si vous le voulez. Comme vous, un jour, nous apprendrons. C'est la loi commune. Gardez donc vos rodo montades et vos brusques gronderies , laissez tranquillement couler les flots d'encre que nous dépensons pour la glorification de la vieille gaieté française, — vous ne ferez plus de « désespérés ». Adrien de la ROCHE.