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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/257

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REVUE DES ÉCRIVAINS DAUPHINOIS 59 TRIPTYQUE — A Rosette, peintre ès académies de Lutèee. C'était un ainouroux de son Art. Encaïn POÉ (Le Portrait ovale). Une modeste galerie en somme, que celle où m'introduisit le maître de la maison ; mais il est rare de trouver un ameublement et des lambris du XVIIP siècle mieux conservés que ceux que j'ai vus là. Ce n'était pas conçu dans le ton léger qu'on est convenu d'appeler le genre Pompadour, mais, par une anomalie assez bizarre, cette salle avait visiblement été finie dans les dernières années de Louis XIV, à cette époque où, sous l'influence de Mme de Maintenon, les appartements, les étoffes, les visages même s'assombrirent et prirent un air de tristesse et de rigorisme. Mon ami m'assura que rien n'avait été touché dans cette galerie depuis la mort de son grand-aïeul, amateur fanatique de vieux tableaux. En effet, on y avait la poitrine oppressée et il y régnait un crépuscule humide et glacial. — De vieux papiers étaient ou verts sur un bureau; sur le parquet, des volumes épars, et des instruments de musique en usage au siècle dernier. De tout ceci, montait un vague parfum : l'odeur des vernis, des boiseries sèches, mêlée à d'anciennes senteurs de benjoin et de vétyver. Tous les tableaux accrochés le long des murs n'avaient pas une égale valeur; mais j'en remarquai trois que le châtelain avait mis à part dans un pan coupé et qu'il avait enchâssés dans des cadres en ébène. Ces cadres, comme les autres, étaient fort simples, mais pour bien montrer que c'étaient là ses tableaux de prédilec tion, mon ami avait fait incruster dans le bois de très curieuses arabesques en or fin. — Comme lui, j'ai un caractère particulièrement méditatif, et je m'extasiai avec lui devant les toiles suggestives que nous exa minâmes longuement l'une après l'autre.

La première représentait quelque recoin perdu de la Frise ou du Groningue. Rien de plus simple : à gauche, un toit aigu à la mode hollandaise, en tuiles rouges, puis des arbres autour; une flaque bordée de roseaux; dans le fond, à droite, une raie grise qui est un canal et une voile tendue; enfin, un horizon de plaines interminables. Il n'est pas loin de cinq heures du soir. Les ombres des nuages s'allongent, sur la campagne qui paraît toute zébrée de bandes brillantes et de bandes obscures; la lumière éclaire çà