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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/267

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REVUE DES ÉCRIVAINS DAUPHINOIS 69 Floras devina à ces paroles, et dans l'attitude de l'inconnue, une grande courtisane: — Oui, dit-il, en reprenant peu à peu son esprit troublé au premier abord, mais il y a une de ces deux beautés, qui ne sera pas éternelle. . . — La mienne, voulez-vous dire ? — Oui, articula nettement Floras, en désignant le portrait, car celle-là survit aux siècles dans sa forme unique, toujours ravissante, jamais la vieillesse, ni le temps, ne mettront une ride sur son front d'ivoire, et, serait-elle anéantie, le souvenir puissant de son aspect, qui charme les yeux et frappe l'imagi nation, resterait toujours vivant dans l'esprit du poète, de l'adorateur passionné, de cette beauté qui n'a pas pour revers les vices qui dégradent le reste du monde ! La Florentine restait souriante aux paroles de Floras. — Vous avez une philosophie bien étonnante, dit-elle. Serait- il vrai que vous préferiez une image invisible à la femme qui s'agite, qui sourit, qui parle, avec une grâce toujours nouvelle? Le front de Floras se plissa, son visage ne., réflétait qu'une expression vague et indéfinie. Il fixa ses yeux ardents sur la Florentine et lui dit tout bas: — Croyez-vous donc qu'il soit possible, à celui dont le cœur a voulu se fermer à toute passion, de consentir à briser une sérénité douce et consolante, puisée chez des idoles qui ne trompent jamais, pour une heure d'un amour incertain et banal ? — Oh! dit-elle en relevant légèrement le voile qui couvrait son visage, je ne veux pas dire cela ! Vous cherchez, sans doute, une consolation de n'avoir trouvé dans l'amour qu'amertume et chagrin, et vous la cherchez où elle ne se trouve pas... Des femmes n'ont eu pour vous qu'un amour passager, et vous vouliez un amour durable; alors, dans la désillusion du bonheur cherché, si vite évanoui, vous vous êtes tourné vers des amantes insensibles, dont le visage souriant ne change jamais, et laisse toujours dans votre cœur la même impression douce et heureuse! et vous vous contentez de cela, sans demander davantage à ces amantes, incapables de vous communiquer cette chaleur amoureuse qui est toute la vie, rien que la vie! Mais si vous trouviez, à cet instant, une femme, assez aimante, assez belle, pour aimer et sourire toujours, une femme qui serait une idole en même temps qu'une créatureanimée, ayant pour elle toutes les grâces et tous les attraits, oh! que ne feriez-vous, pour cette femme qui garderait le cœur éternellement jeune, les yeux toujours rayonnants d'une tendresse infinie !