Aller au contenu

Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

REVUE DES ÉCRIVAINS DAUPHINOIS 75 PROPOS ABRACADABRANTS Voici ce que mon ami Jacques me disait ce matin : — Décidément, cet état de chose n'a déjà que trop duré, il est temps d'y mettre ordre. — Mais, de quoi voulez-vous parler? — Ah ! oui, c'est vrai, fit-il en haussant les épaules, vous ne comprenez pas, je vais vous mettre au courant. — Eh bien, je parle de ce culte pour la femme, qui menace de nous perdre, nous et nos descendants. Et comme j'arrondissais, puis écarquillais mes yeux. — Qu'aime-t-on dans une femme ? — Mais... sa beauté, sa grâce, son esprit et même... ses défauts quelquefois, dis-je. Il bondit. — Sa beauté ! ah comme vous êtes bien tous les mêmes, sa beauté ; mais sapristi, avez-vous vu quelquefois une femme belle? En ce cas, vous êtes plus avancé que moi, je n'en ai jamais vu. — Oh ! jamais vu? m'écriais-je, incrédule. — Parfaitement, cher ami, je ne comprends même pas ce qui peut vous étonner là-dedans. Ouvrez un bouquin d'esthétique, le premier venu : que vous dira-t-il? que la beauté est la forme totale en tout, qu'elle révèle la forme qui l'anime ; c'est l'harmonie intérieure qui se révèle dans cet accord secret des membres et qui se traduit au dehors ; le beau enfin, selon le vieux Platon, est la splendeur du vrai. Or, y a-t-il rien de plus faux qu'une femme, je vous le demande! — Mais, permettez. . . — Je ne permets pas, reprit mon ami Jacques, je veux vous écraser sous ma science : Le beau ne peut être réalisé qu'en temps qu'on arrive à un état parfait de formes, qu'en temps que si l'on promène ses regards depuis la racine des cheveux jusqu'à la plante des pieds on ne trouve pas un seul point défectueux, que l'œil se repose tranquille sans être heurté dans un endroit ou dans un autre par une ligne, qui n'aide pas à réaliser l'idéal rêvé Oui, je sais, continua-t-il, vous allez me dire pour vous écarter de la question, que chaque peuple a sa manière particulière d'apprécier la beauté, que la Vénus de Milo n'est pas bâtie comme la Vénus Hottentote. . . D'accord, mais cependant, mettez les deux systèmes l'un en face de l'autre, et vous verrez que le Hottentot et le Grec s'en tendront pour vous dire, qu'un pied trop grand et qu'une main trop