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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/283

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REVUE DES ÉCRIVAINS DAUPHINOIS 85 Qui sentent que ce cœur est à jamais esclave D'une femme innommée, et qui sans un regret, S'ils entendaient tomber de sa bouche suave, Cet ordre : « Meurs pour moi! » diraient tous : « Je suis prêt! » Qui se plaisent le soir à contempler leur âme, Où des regards d'amante ont jeté des rayons, Où les baisers reçus, tout pareils à la flamme, Ont laissé leur brûlure en d'immortels sillons ; Et qui n'ont jamais pu regarder en silence, Ou bien le vaste ciel au dôme illimité Ou bien la grande mer à la surface immense, Sans songer à l'amour, cette autre immensité!... Qui savent d'autre part à côté des tendresses Nourrir dans leur poitrine un culte généreux, Joindre les fiers élans aux plus douc»s ivresses, Et ce qui fait sublime à ce qui fait heureux ; Qui sont toujours vibrants quand passent sur le monde Un frisson d'héroïsme, et toujours envahis D'une admiration chaleureuse et féconde, En face d'un grand homme ou bien d'un grand pays ; Qui devant l'Infini passant tête inclinée, Adorent par instinct, honorent par raison, — Vers Athcne et Sion l'âme souvent tournée — Le Dieu de l'Evangile et le Dieu de Platon ; Qui devant la Justice et devant la Patrie S'agenouillent toujours avec dévotion, Et de la Liberté, l'éternelle meurtrie, Ont éternellement la sainte passion; Qui font brûler enfin, tendres et magnanimes. Sur l'autel de leur cœur un double et noble feu, Et mêlant aux amours les piétés sublimes. Ont des chants pour la Femme et des hymnes pour Dieu! Nous voudrions reproduire encore d'autres pièces, mais la place nous est limitée et, à la vérité, on pourrait tout citer. Il y a beau coup d'émotion dans ces pages toujours exquises, souvent mysti ques et parfois voluptueuses; on y sent les battements d'un grand cœur, d'un cœur loyal, noble et généreux. En somme, c'est l'his toire d'une âme — d'une âme éprise d'idéal — racontée par un fils de Lamartine et de Musset. Tout en ayant une note personnelle, Emile Trolliet nous a paru procéder de ces deux poètes : on peut plus mal choisir. C'est leur héritage, qu'il a recueilli et conservé pieusement, qui lui a valu les succès éclatants qu'il a remportés jusqu'à ce jour. Le nom de notre compatriote commence à être connu en