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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/290

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02 LE SYLPHE Accrochéeau mur enfumé de la cuisine, je remarque une Sainte- Vierge de plâtre entourée de deux rameaux de buis séché des der nières Pâques fleuries... et tout à côté je vois encore dans un petit cadre, une mauvaise photographie de soldat. Un dragon, il me semble. — Votre frère, peut-être ? dis-je à la fillette. — Oui, monsieur, mon frère qui est parti au sort depuis six mois et qui fait son temps à Chambéry... Il est dragon, monsieur, avec un grand casque en argent, qui brille, et une grande crinière derrière. Il est venu au pays le mois d'avant. . . Et je me lève pour voirie portrait de plus près. Il est très beau, le dragon ! Il ressemble étonnamment à sa sœur. Il a une figure de fille et des épaules d'athlète sous son uniforme, et lui aussi le regard d'une ingénue. . . Il me semble le voir, ce garçon, dans sa caserne, aussi bon soldat que rude travailleur deterre, et le grand enfant qu'ils sont tous ! Je le vois certainement sur son cheval, le beau dragon chevelu. . . Le repas est terminé, je vais partir non sans regret. On est si bien dans la petite ferme. Tout m'inviterait à y rester encore, pourquoi pas toujours?... Soudain un roulement de voiture dans la cour. . . grand bruit, grand fracas. . . Qu'est-ce?. . . Des messieurs vêtus de noir descendent, puis des gendarmes à cheval mettent pied à terre, comme venus exprès pour me gâter la couleur locale de ce tableau où mon rêve s'apprêtait à faire fleurir quelque idylle. Mais où sont donc mes hôtes?. . . Envolés, disparus, personne. Où est-elle allée la jolie fille? Sans doute arranger ses cheveux au miroir pour plaire aux nouveaux venus. . . Coquette ! Les gendarmes promènent dans tous les coins des regards in vestigateurs. Que peut bien signifier cela ? Mais les messsicurs vêtus de noir sont entrés, et j'apprends d'eux avec stupeur que c'est le procureur de la République qui fait ici une descente judiciaire. Je n'en veux croire mes oreilles et l'histoire qu'ils me racon tent me paraît invraisemblable. Un crime a été commis, paraît-il, ici-même dans cette maison, il a un m;Ms à peine, et ces messieurs viennent arrêter les coupa- les qui sont — horreur ! — mes hôtes de l'instant, le brave pay san et sa femme la bonne ménagère, et aussi la jolie filie, et aussi le beau dragon, ce dernier, arrêté de la veille, ayant fait des aveux complets. Et ces messieurs continuent, me détaillant le drame sauvage, inouï, sans nom, qui depuis a soulevé l'horreur des popula tions. Un vieux paysan, un vieux grand-père demeurait là avec ces