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Une case de chef, à Tamatave, port de Madagascar. — Dessin de E. de Bérard, d’après une photographie.


VOYAGES D’IDA PFEIFFER.

RELATIONS POSTHUMES[1].
1857. — TEXTE INÉDIT.




MADAGASCAR.


Départ de Maurice. — La vieille chaloupe canonnière. — Arrivée à Madagascar. — Mlle Julie. — Description de Tamatave.

Je quittai Maurice le 25 avril 1857. Grâce à l’entremise de M. Gonnet, les propriétaires du brick le Triton m’accordèrent un libre passage jusqu’au port de Tamatave, trajet de quatre cent quatre-vingts milles marins. Le vaisseau, vieille chaloupe canonnière émérite qui avait fait ses preuves en 1805 à la bataille de Trafalgar, était bien déchu de son ancienne splendeur. Il servait actuellement, quand la saison était favorable, à transporter des bœufs de Madagascar à Maurice. Comme il n’était aménagé dans toutes ses parties que pour le transport des bœufs, il n’offrait pas les moindres commodités aux passagers, et quant à sa solidité, le capitaine me donna l’avis consolant qu’il ne pourrait pas résister à la plus petite tempête.

Cependant mon désir de quitter Maurice était si grand que rien ne put m’effrayer. Je me confiai à ma bonne étoile, m’embarquai gaiement, et n’eus point à m’en repentir. Le capitaine, M. Benier, était aussi excellent que son vaisseau était mauvais. Bien qu’il ne fût pas de haute extraction (par la couleur il appartenait aux demi créoles), il se montra envers moi d’une politesse et d’une prévenance qui auraient fait honneur à l’homme le mieux élevé. Il eut la bonté de me céder de suite sa cabine, la seule place du vaisseau où les passagers quadrupèdes n’eussent point accès, et il fit tout pour me rendre la traversée aussi agréable que possible.

Le cinquième jour nous arrivâmes en vue de Tamatave, et le lendemain nous jetâmes l’ancre dans le port. J’aurais voulu débarquer immédiatement ; mais la reine Ranavalo, malgré son mépris de la civilisation et des coutumes de l’Europe, lui a justement emprunté celles qui, même pour nous autres Européens, sont les plus insupportables : la police et la douane. Comme si j’étais arrivée en France ou dans tout autre pays de l’Europe, il me fallut attendre que les inspecteurs fussent venus et bord et eussent visité le vaisseau avec le plus grand soin. Toutefois la reine m’ayant octroyé la très-gracieuse permission de pénétrer dans ses États, on ne me fit pas d’autres difficultés et je pus descendre à terre. J’y fus aussitôt reçue par quelques douaniers de Madagascar et conduite

  1. Suite. — Voy. pages 289 et 305.