Page:Le Tour du monde - 11.djvu/377

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Comme j’obéissais de mon mieux à ce rhythme mécanique, passant alternativement de la machine contre le puits et du puits contre la machine, évitant autant que possible les ouvriers dont une escouade remontait pendant que nous descendions, j’entendis tout à coup un grand cri. Je regarde au-dessous de moi. C’était mon compagnon qui, trouvant le taquet sur lequel il allait mettre les pieds occupé par un des ouvriers qui remontait, n’avait pas été assez prompt à passer sur le taquet vis-à-vis, et s’était troublé au lieu d’attendre avec calme une autre pulsation du men engine. La machine l’avait saisi en remontant ; il s’était par bonheur fortement retenu au crampon de fer qui, ménagé à la hauteur des bras, permet d’y appuyer la main ; mais je vis un moment son corps balancé dans l’espace. J’entendis le capitaine crier, et je crus que c’en était fait. Heureusement mon ami ne perdit pas son sang-froid. L’ordre de stopper (arrêter) la machine fut immédiatement donné, et le capitaine, qui déjà avait appuyé la main sur M. L… pour le retenir, le ramena sain et sauf sur le perchoir. Mon ami reprit ses sens, et nous remontâmes au jour.

Mine de la Providence : le puits des pompes. — Dessin de Durand-Brager d’après M. Lançon.

Quand ce premier moment d’émotion fut passé, je persistai à continuer par le men engine avec le capitaine ; celui-ci s’y refusa net. Il me dit qu’il n’était pas sans exemple que des ouvriers pris dans l’appareil aient perdu un bras ou une jambe, et quelquefois même aient été presque broyés sur le coup ; que, du reste, il répondait de nous, que notre vie lui était confiée, et que, par conséquent, pour ne pas voir se renouveler un accident qui aurait pu avoir des suites si fâcheuses, c’était par les échelles qu’il fallait