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PREFACE

pas de marquer quelles sont les diverses prononciations des vingt-trois lettres de l’Alphabet François, et même quelle est la prononciation de certains mots, lorsqu’elle est éloignée de la manière de les écrire. Nous avertissons par éxemple, qu’on prononce Cangrène, quoiqu’on écrive Gangrène, et Pan, quoiqu’on écrive Paon.

Quand l’Académie travailloit à la premiére Edition de son Dictionnaire, laquelle parut en mil six cent quatre-vingt-quatorze, nos Prédécesseurs crurent qu’il seroit instructif d’y ranger les mots par racines, c’est-à-dire, de placer tous les mots dérivez ou composez, à la suite du mot primitif dont ils viennent, soit que ce primitif ait son origine dans la Langue Françoise, soit qu’il la tire du Latin, ou de quelque autre Langue. On crut encore devoir s’attacher à l’orthographe qui pour lors était généralement reçûe, et qui servoit à faire reconnoître l’étymologie des mots.

La seconde Edition du Dictionnaire parut en mil sept cent dix-huit, mais sous une forme si différente de la première, qu’on peut dire qu’alors l’Académie donna plustôt un Dictionnaire nouveau, qu’une nouvelle Edition de l’ancien. On vient de voir par quelle raison les mots y avoient été rangez par racines : mais cet ordre qui dans la spéculation avoit paru le plus convenable, se trouva d’un usage fort incommode. Les mots furent donc rangez dans la nouvelle Edition suivant leur ordre alphabétique, ensorte qu’il n’y en eut plus aucun, qu’on ne put trouver d’abord et sans peine : mais l’on y suivit à peu près l’orthographe de la première Edition.

Les changements faits dans la troisième que nous donnons aujourd’hui, sont d’une autre nature, mais ils ne sont guère moins importans. Nous y avons perfectionné les définitions des mots, et nous avons tâché de marquer encore plus précisément l’étendue de leur signification, en ajoûtant de nouveaux éxemples. Quant à l’ordre alphabétique, il y a été observé comme dans la précédente ; et si quelques mots ont changé de place, c’est que la manière de les écrire ayant été changée, il étoit devenu nécessaire de les tirer du rang où ils étoient, pour les mettre dans un autre. La profession que l’Académie a toûjours faite de se conformer à l’usage universellement reçû, soit dans la manière d’écrire les mots, soit en les qualifiant, l’a forcée d’admettre des changemens que le Public avoit faits.

On entreprendroit en vain de l’assujétir à une orthographe systématique, et dont les règles fondées sur des principes invariables, demeurassent toûjours les mêmes. L’usage qui en matière de Langue, est plus fort que la raison, auroit bientôt transgressé ces loix.

Il est comme impossible que dans une Langue vivante, la prononciation des mots reste toûjours la même : cependant le changement qui survient dans la prononciation d’un terme, en opère un autre dans la manière de l’écrire. Par éxemple, quelque tems après avoir cessé de prononcer le B dans Obmettre, et le D dans Adjoûter ; on les a supprimez en écrivant. En effet l’on ne pourroit apprendre qu’avec peine, à lire les livres écrits dans sa Langue naturelle, si l’usage ne changeoit pas quelque chose dans l’orthographe des mots dont il a changé la prononciation. Toute variable qu’elle est, elle ne laisse donc pas de