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PREFACE.

donner en quelques rencontres, la loi à l’orthographe. Il est vrai seulement que cela n’arrive que par degrez. Voici quelle est, suivant les apparences, la cause de la lenteur du progrès dont nous parlons.

Dès qu’une nouvelle manière de prononcer un mot s’est généralement établie, on est obligé de se conformer en le prononçant, à l’usage reçû dans le monde. On auroit l’air antique ; on s’exposeroit à de fréquens reproches, si l’on s’obstinoit à conserver la prononciation qui a vieilli. Il n’en est pas de même des changemens que l’usage introduit dans l’orthographe. On peut garder l’ancienne sans de grands inconveniens, & les hommes faits ont de la répugnance à changer quelque chose dans celle qu’ils se sont formée dès leur première jeunesse, soit sur les leçons d’un maître plus âgé qu’eux, soit par la lecture des livres imprimez depuis plusieurs années. D’ailleurs, il leur en coûteroit une attention pénible pour être toûjours conformes aux règles d’une orthographe, qu’ils n’auroient adoptée que dans un âge avancé. Ils prennent donc le parti de conserver celle à laquelle ils sont accoûtumez ; & ils la gardent, quoique la génération qui vient après eux, en suive déja une différente. Ce n’est qu’après qu’ils ne sont plus, que les changemens dont nous parlons, & qu’ils avoient refusé d’adopter, se trouvent généralement reçûs.

D’autres motifs introduisent aussi divers changemens dans l’orthographe. Si l’ignorance & la paresse mettent en vogue quelquefois certaines manières d’écrire, quelquefois c’est la raison qui les établit. On les adopte, soit pour adoucir la prononciation de quelque mot, soit afin de n’être pas réduit à se servir d’un même caractère pour exprimer des sons différens, ou de caractères différens, pour exprimer le même son.

L’Académie s’est donc vûe contrainte à faire dans cette nouvelle Edition, à son orthographe, plusieurs changemens qu’elle n’avoit point jugé à propos d’adopter, lorsqu’elle donna l’Edition précédente. Il n’y a guère moins d’inconvéniens dans la pratique, à retenir obstinément l’ancienne orthographe, qu’à l’abandonner légèrement pour suivre de nouvelles manières d’écrire, qui ne font que commencer à s’introduire. Si l’Académie avoit persévéré dans sa première résolution, les Etrangers & même les François, auroient-ils pu se servir commodément d’un Dictionnaire où plusieurs mots auroient été écrits autrement qu’ils ne le sont communément aujourd’hui, & par conséquent placez ailleurs que dans les endroits où l’on iroit naturellement les chercher. L’on ne doit point en matière de Langue, prévenir le Public, mais il convient de le suivre, en se soûmettant, non pas à l’usage qui commence, mais à l’usage généralement reçû.

Nous avons donc supprimé dans plusieurs mots les lettres doubles qui ne se prononcent pas. Nous en avons ôté le B, le D, l’H, & l’S inutiles. Dans les mots où l’S marquoit l’allongement de la syllabe, nous l’avons remplacée par un accent circonflêxe. Nous avons encore mis un I simple à la place de l’Y, partout où il ne tient pas la place d’un double I, ou ne sert pas à conserver la trace de l’étymologie. Si l’on ne trouve pas une entière uniformité dans ces retranchemens ; si nous avons laissé dans quelques mots la lettre superflue que nous avons ôtée dans d’autres, par éxemple, si nous avons conservé dans Méchanique, l’H


inutile