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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/168

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les mille nuits et une nuit

Mais au bout de ces dix années, il fut pris de la tristesse du mal du pays natal ; et peu à peu il fut atteint de langueur ; et il soupirait sans cesse en pensant à sa maison et à sa ville ; et il faillit mourir de ce désir rentré. Mais un jour, ne pouvant plus résister aux sollicitations de son âme, il ne prit même pas le temps de demander congé au roi, et il s’évada et regagna le pays de Hadramont, dans le Yamân. Là, il se déguisa en derviche et gagna à pied la ville de Kaukabân ; et il arriva de la sorte, en taisant son nom et son cas, sur la colline qui dominait la ville. Et il vit, avec des yeux pleins de larmes, la terrasse de sa vieille maison et les terrasses avoisinantes, et il se dit : « Pourvu que personne ne me reconnaisse ! Fasse Allah qu’ils aient tous oublié mon histoire ! » Et, pensant ainsi, il descendit de la colline et prit des chemins détournés pour arriver à sa maison. Et, en route, il vit, assise sur le seuil de sa porte, une vieille femme qui enlevait les poux de la tête d’une petite fille de dix ans ; et la petite fille disait à la vieille : « Ô ma mère, je voudrais bien savoir mon âge, car une de mes compagnes veut tirer mon horoscope. Veux-tu donc me dire en quelle année je suis née ! » Et la vieille réfléchit un moment et répondit : « Tu es née, ô ma fille, exactement la nuit de l’année où Aboul-Hossein lâcha le pet ! »

Lorsque le malheureux Aboul-Hossein entendit ces paroles, il rebroussa chemin et se mit à courir, livrant ses jambes au vent. Et il se disait : « Voilà que ton pet est devenu une date dans les annales ! Et il se transmettra à travers les âges aussi long-