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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/193

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histoire du dormeur éveillé
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gnie aux cuisiniers, aux domestiques et aux eunuques, chez les vizirs et les grands du royaume, pour surprendre les secrets des maîtres et les rapporter à son chef, le cheikh-al-balad, et les colporter à travers les cabarets et les lieux mal famés. Nulle besogne ne lui répugne, et il lèche les culs quand sur les culs léchés il peut trouver un dinar d’or.

« Quant au second infâme, c’est une sorte de gros bouffon aux gros yeux, qui s’exerce à dire des facéties et des calembours à travers les souks, où il est connu pour son crâne chauve comme une pelure d’oignon et son bégaiement si pénible que l’on croirait, à chaque parole, qu’il va vomir ses boyaux. D’ailleurs, aucun des marchands ne l’invite à venir s’asseoir dans sa boutique, vu qu’il est si lourd et si massif que, lorsqu’il s’assied sur une chaise, la chaise aussitôt vole en éclats sous son poids ! Or celui-ci n’est pas aussi crapuleux que le premier, mais il est bien plus sot !

« Si donc, ô mon maître, je devenais pour un jour seulement émir des Croyants, je ne chercherais ni à m’enrichir ni à enrichir mes parents, mais je me hâterais de débarrasser notre quartier de ces trois horribles canailles, et je les balaierais dans la fosse aux ordures, une fois que je les aurais punis chacun suivant le degré de son ignominie. Et je rendrais de la sorte la tranquillité aux habitants de notre quartier. Et c’est là tout ce que je désire…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.