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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/230

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les mille nuits et une nuit

ne voulut point laisser passer cette occasion de se divertir encore davantage aux dépens d’un homme si singulier. Et, d’ailleurs, le khalifat, qui avait un cœur généreux et magnanime, avait également résolu de réparer un jour, autant qu’il serait en son pouvoir de le faire, le dommage subi par Aboul-Hassân, et de lui rendre d’une manière ou d’une autre, en bienfaits, le plaisir qu’il avait éprouvé en sa compagnie. Aussi, dès qu’il eut aperçu Aboul-Hassân, il s’approcha de lui, et pencha la tête par-dessus son épaule, vu qu’Aboul-Hassân tenait obstinément le visage tourné du côté du fleuve, et, le regardant dans les yeux, lui dit : « Le salam sur toi, ô mon ami Aboul-Hassân ! Mon âme désire t’embrasser ! » Mais Aboul-Hassân, sans le regarder et sans bouger, lui répondit : « Il n’y a pas de salam de moi à toi ! Marche ! Je ne te connais pas ! « Et le khalifat s’écria : « Comment, Aboul-Hassân ? Tu ne reconnais pas l’hôte que tu as hébergé toute une nuit chez toi ? » Il répondit : « Non, par Allah ! je ne te reconnais pas ! Va en ta voie ! » Mais Al-Rachid insista auprès de lui, et dit : « Pourtant, moi je te reconnais bien, et ne puis croire que tu m’aies si complètement oublié, alors qu’il y a à peine un mois d’écoulé depuis notre dernière entrevue et la soirée agréable que j’ai passée seul à seul avec toi, dans ta maison ! » Et, comme Aboul-Hassân continuait à ne pas répondre, en lui faisant signe de s’en aller, le khalifat lui jeta les bras autour du cou et se mit à l’embrasser, et lui dit : « Ô mon frère Aboul-Hassân, comme c’est mal à toi de me faire une telle plaisanterie ! Quant à moi, je suis bien décidé à ne pas te quitter avant que tu