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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/239

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histoire du dormeur éveillé
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se les enfoncer dans le crâne, et s’écria : « Qui êtes-vous ? et qui suis-je ? » Et toutes répondirent en chœur sur des tonalités différentes : « Gloire à notre maître le khalifat Haroun Al-Rachid, émir des Croyants, roi du monde ! » Et Aboul-Hassân, à la limite de la stupéfaction, demanda : « Ne suis-je donc pas Aboul-Hassân le Débauché ? » Elles répondirent en chœur, sur des tonalités différentes : « Éloigné soit le Malin ! Tu n’es pas Aboul-Hassân, mais Aboul-Hossn[1] ! Tu es notre souverain et la couronne sur notre tête ! » Et Aboul-Hassân se dit : « Cette fois, je vais bien voir si je dors ou si je veille ! » Et se tournant vers Canne-à-Sucre, il lui dit : « La petite, viens-t’en par ici ! » Et Canne-à-Sucre avança la tête, et Aboul-Hassân lui dit : « Mords-moi l’oreille ! » Et Canne-à-Sucre enfonça ses petites dents dans le lobe de l’oreille d’Aboul-Hassân, mais si cruellement qu’il se mit à hurler de travers, d’une façon épouvantable. Puis il s’écria : « Certes ! je suis l’émir des Croyants, Haroun Al-Rachid en personne ! »

Aussitôt les instruments de musique se mirent à jouer en même temps, sur un mode entraînant, un pas de danse, et les chanteuses entonnèrent une vive chanson, en chœur. Et toutes les adolescentes, se prenant la main, formèrent un grand cercle dans la chambre et, levant leurs pieds avec légèreté, se mirent à danser autour du lit, en répondant au chant principal par le refrain, et cela avec un tel entrain et une telle folie, qu’Aboul-Hassân, exalté soudain et pris d’enthousiasme, rejeta couvertures et coussins, lança son bonnet de nuit en l’air, sauta du lit,

  1. Le Père de la Beauté.