Aller au contenu

Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
236
les mille nuits et une nuit

se déshabilla complètement en s’arrachant les vêtements, et, le zebb en avant, et le cul nu, il se jeta entre les adolescentes et se mit à danser avec elles, en faisant mille contorsions, et secouant son ventre, son zebb et son derrière, au milieu des éclats de rire et du tumulte grandissant. Et il fit tant de bouffonneries, et exécuta de tels mouvements divertissants, que le khalifat, derrière le rideau, ne put plus contenir l’explosion de son hilarité, et se mit à lancer une suite d’éclats de rire si forts qu’ils dominèrent le vacarme de la danse et le chant et le bruit des tambours de basque, des instruments à cordes et des instruments à vent ! Et il fut prit de hoquet, et tomba sur le derrière, et faillit perdre connaissance. Mais il parvint à se relever et, écartant le rideau, il avança la tête et cria : « Aboul-Hassân, ya Aboul-Hassân, as-tu donc juré de me faire mourir étouffé de rire ? »

À la vue du khalifat et au son de sa voix, la danse cessa tout d’un coup, les adolescentes se figèrent immobiles à la place où elles se trouvaient respectivement, et le bruit cessa si complètement que l’on eût entendu résonner la chute d’une aiguille sur le sol. Et Aboul-Hassân, stupéfait, s’arrêta comme les autres et tourna la tête dans la direction de la voix. Et il aperçut le khalifat, et, du même coup d’œil, reconnut en lui le marchand de Mossoul. Alors, rapide comme l’éclair qui brille, la compréhension de la cause de tout ce qui lui était arrivé lui traversa l’esprit. Et du coup il devina toute la plaisanterie. Aussi, loin de se déconcerter ou de se troubler, il fit semblant de ne point reconnaître la personne du