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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/248

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les mille nuits et une nuit

vanouissements divers, tu lui raconteras ma mort en des termes attendrissants, puis tu t’affaleras sur le sol où tu resteras une heure de temps, pour ne reprendre tes sens qu’une fois noyée sous l’eau de roses dont on ne manquera pas de t’arroser. Et alors tu verras, ô Canne-à-Sucre, comment l’or entrera dans notre maison ! »

À ces paroles, Canne-à-Sucre répondit : « Certes ! cette mort-là est possible. Et je consens à t’aider à l’accomplir ! » Puis elle ajouta : « Mais, moi, quand et de quelle façon me faudra-t-il mourir ? » Il dit : « Commence d’abord par faire ce que je viens de te dire. Et ensuite Allah pourvoira ! » Et il ajouta : « Voici ! Je suis mort. » Et il s’étendit au milieu de la pièce, et fit le mort.

Alors, Canne-à-Sucre le déshabilla, l’ensevelit dans un linceul, lui tourna les pieds dans la direction de la Mecque, et lui posa le turban sur le visage. Après quoi, elle se mit à exécuter tout ce qu’Aboul-Hassân lui avait dit de faire en fait de cris perçants, de hurlements de travers, de larmes ordinaires et extraordinaires, de déchirement d’habits, d’arrachement de cheveux et de griffage de joues. Et, lorsqu’elle se fut mise dans l’état prescrit, elle alla, le visage jaune comme le safran et les cheveux épars, se présenter à Sett Zobéida, et commença par se laisser tomber tout de son long aux pieds de sa maîtresse, en poussant un gémissement capable de fendre le cœur de la roche.

À cette vue, Sett Zobéida, qui avait déjà entendu de son appartement les cris perçants et les hurlements de deuil qu’avait poussés Canne-à-Sucre dans