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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/274

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les mille nuits et une nuit

Mais Anis, qui faisait bien plus attention aux charmes de sa partenaire qu’aux pions de l’échiquier, était ravi à l’extase de la beauté de ses mains qu’il trouvait semblables à de la pâte d’amandes, et de l’élégance et de la finesse de ses doigts semblables à du camphre blanc. Et il finit par s’écrier : « Comment pourrais-je, ô ma maîtresse, jouer sans danger contre de pareils doigts ? » Mais elle, tout à son jeu, lui répondit : « Échec au roi ! Échec au roi, ya Anis ! Tu as perdu ! » Puis, comme elle voyait qu’Anis ne prêtait point son attention au jeu, elle lui dit : « Anis, pour te rendre plus attentif au jeu, nous allons mettre, pour chaque partie, une gageure de cent dinars ! » Il répondit : « Certainement ! » Et il rangea les pions. Et, de son côté, la jouvencelle, qui de son nom s’appelait Zein Al-Mawassif, enleva à ce moment le voile de soie qui lui couvrait les cheveux et apparut comme une éclatante colonne de lumière. Et Anis, qui ne pouvait réussir à arracher ses regards de sa partenaire, continuait à ne point savoir ce qu’il faisait : tantôt il prenait les pions rouges au lieu des pions blancs, et tantôt il les faisait marcher tout de travers, si bien qu’il perdit cinq parties de suite, de cent dinars chacune. Et Zein Al-Mawassif lui dit : « Je vois que tu n’es pas plus attentif qu’auparavant. Faisons une gageure plus forte ! Mille dinars la partie ! » Mais Anis, malgré la somme en jeu, ne se comporta pas mieux, et perdit la partie. Alors elle lui dit : « Jouons tout ton or contre tout le mien ! » Il accepta, et perdit. Alors il joua ses boutiques, ses maisons, ses jardins et ses esclaves, et il les perdit les uns après les autres. Et il ne lui resta plus rien entre les mains.