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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/284

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les mille nuits et une nuit

l’ayant lue, elle s’écria : « Puisse-t-il se casser les jambes ! Éloignée soit la laideur ! Voilà que notre vie délicieuse de maintenant va être troublée par l’arrivée de ce visage de mauvais augure ! » Et elle montra la lettre à son ami, et lui dit : « Quel parti allons-nous prendre, ô Anis ? » Il répondit : « Je m’en rapporte entièrement à toi, ô Zein ! Car, en fait de ruses et de finesses, les femmes ont toujours surpassé les hommes ! » Elle dit : « Oui ! Mais mon mari est un homme bien violent, et sa jalousie n’a point de limites ! Et ce nous sera bien difficile de ne point éveiller ses soupçons ! » Et elle réfléchit une heure de temps, et dit : « Je ne vois pas d’autre moyen de t’introduire dans la maison, après son arrivée maudite, que de te faire passer pour un marchand de parfums et d’épices ! Réfléchis donc sur ce métier, et surtout garde-toi bien, dans les marchandages, de le contrarier en quoi que ce soit ! » Et ils tombèrent tous deux d’accord sur les moyens à employer pour tromper le mari.

Sur ces entrefaites, le mari revint de voyage, et il fut à la limite de la surprise en voyant sa femme toute jaune, depuis les pieds jusqu’à la tête. Or, la coquine s’était mise elle-même dans cet état, en se frottant avec du safran. Et son mari lui demanda, bien effrayé, quelle maladie elle avait ; et elle répondit : « Si tu me vois si jaune, hélas ! c’est, non pas à cause d’une maladie, mais à cause de la tristesse et de l’inquiétude où j’ai été durant ton absence ! De grâce, ne voyage plus désormais sans prendre avec toi un compagnon, qui puisse te défendre ou te soigner ! Et de la sorte je serai plus tranquille à ton