Aller au contenu

Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/315

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire du jeune homme mou
311

effet, connu dans le commun sous le nom d’Abou-Môhammad-les-Os-Mous, et que je suis le fils d’un ancien pauvre ventouseur de hammam qui est mort sans nous laisser, à moi et ma mère, de quoi suffire à notre subsistance. Ainsi, ceux-là qui t’ont appris ces détails, te disaient la vérité ; mais ils ne t’ont point dit pourquoi ni comment m’était venu ce surnom ! Or, voici ! Dès mon enfance, ô émir des Croyants, j’étais le garçon le plus mou et le plus paresseux qui pût se rencontrer sur la face de la terre. Et, en vérité, si grandes étaient ma mollesse et ma paresse, que si j’étais couché par terre et que le soleil tombât de tous ses feux sur mon crâne nu, en plein midi, je n’avais pas le courage de changer de place pour me mettre à l’ombre, et je me laissais cuire, comme un colocase, plutôt que de remuer une jambe ou un bras. Aussi mon crâne devint bientôt à l’épreuve de tous les coups ; et tu peux maintenant, ô émir des Croyants, commander à Massrour, ton porte-glaive, de me fendre la tête, et tu verras son glaive s’ébrécher et voler en éclats sur les os de mon crâne.

Or, à la mort de mon défunt père (qu’Allah l’ait en sa miséricorde !) j’étais un garçon de quinze ans ; mais c’était comme si je n’avais que deux ans d’âge, car je continuais à ne vouloir ni travailler ni bouger de ma place ; et ma pauvre mère était obligée de servir les gens du quartier pour me nourrir, tandis que je passais mes journées étendu sur le flanc, et que je n’avais même pas la force de lever la main pour chasser les mouches qui avaient établi domicile dans tous les creux de ma figure…