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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/90

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les mille nuits et une nuit

bords du Tigre, et qui a une grande porte du côté de la ville et une autre porte du côté du fleuve. Et, de plus, on m’a dit au hammam qu’elle était l’épouse d’un riche marchand appelé Hassân Al-Bassri ! Ah ! ma maîtresse, si tu me vois toute tremblante entre tes mains, ce n’est point seulement de l’émoi suscité par sa beauté, mais de la crainte extrême qui m’envahit en songeant aux conséquences funestes qui résulteraient si, par malheur, notre maître le khalifat venait à en entendre parler. Sûrement, il ferait tuer le mari et, au mépris de toutes les lois de l’équité, il épouserait cette miraculeuse adolescente ! Et il vendrait de la sorte les biens inestimables de son âme immortelle pour la possession temporaire d’une créature belle mais périssable ! »

À ces paroles de sa petite esclave Tohfa, Sett Zobéida, qui savait combien elle était d’ordinaire sage et mesurée en ses discours, fut stupéfaite grandement, et lui dit : « Mais, ô Tohfa, es-tu au moins bien sûre que tu n’as pas vu en songe seulement une telle merveille de beauté ? » Elle répondit : « Je le jure sur ma tête et sur le poids de l’obligation que je dois à tes bontés pour moi, ô ma maîtresse, je viens, l’ayant vue, de jeter une rose et un baiser à cette adolescente dont nulle terre et nul climat, pas plus chez les Arabes que chez les Turcs ou les Persans, n’a vu naître la pareille ! » Et Sett Zobéida alors s’écria : « Par la vie de mes ancêtres les Purs ! il faut que moi aussi je contemple cette unique pierrerie, et que je la voie avec mes deux yeux ! »

Aussitôt, elle fit appeler le porte-glaive Massrour