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Page:Le mécanisme du toucher, Marie Jaëll.pdf/147

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reconnaîtra-t-on qu’on ne peut étudier les mouvements artistiques que par les sensations ? Sans sensations diversifiées, pas de mouvements diversifiés. On n’a de sensations diversifiées que lorsque la sensibilité est intense ; sans préparation spéciale, elle l’est rarement suffisamment pour permettre de réaliser des mouvements perfectionnés. Plus les mouvements sont diversifiés, c’est-à-dire perfectionnés, plus ils évoquent de diversifications dans les représentations mentales des sons, car ce sont les mouvements qui produisent la mémoire.

Pour l’exécution musicale, il y a différentes mémoires. Nous citerons la plus défectueuse et la plus perfectionnée :

a. La mémoire des mouvements inconscients qui entraîne l’exécutant à reproduire des sons qu’il serait plus ou moins incapable de penser. Cette mémoire s’acquiert par une étude peu intelligente mais longtemps prolongée. Elle est non seulement peu résistante, mais on chercherait vainement à fixer par elle un grand répertoire. Elle constitue pour ainsi dire une mémoire anti-musicale et elle en conserve tous les stigmates : elle est stérile et non progressive, elle ne féconde pas la pensée et reste circonscrite dans son propre développement.

b. La mémoire musicale, dont le fonctionnement est inverse parce que l’exécution des mouvements dérive de l’audition mentale des sons : dans ce cas la mémoire des sons est si développée que, grâce à elle, l’exécutant se souvient des mouvements par lesquels il doit les transmettre. Et les sons successifs se déroulent dans sa pensée comme une trame solidement enchaînée. Selon que