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Page:Le mécanisme du toucher, Marie Jaëll.pdf/148

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l’œuvre est bien présente à la pensée ou non, l’exécution de mémoire sera plus ou moins aisée, mais les variations se produisent surtout dans la rapidité avec laquelle s’effectue le déroulement des sons. Nous avons vu des élèves, après être restés très longtemps sans jouer une œuvre, la réévoquer entièrement en la jouant très lentement comme s’il s’agissait de tourner un engrenage rouillé. Plus le fonctionnement est lent, plus il risque de s’arrêter de temps à autre : mais ces arrêts-là ressemblent à des obstacles qu’on n’avait pas la force de vaincre sur le moment il suffit d’un nouvel élan, et ils sont surmontés. Cette mémoire peut être innée ou acquise par les représentations mentales des mouvements réalisés pendant l’étude.

Tout enseignement qui ne produit pas ce genre de mémoire est un dressage qui n’agit pas sur la pensée on agit régressivement ; car si un élève a des dispositions pour la musique, l’enseignement faux réagit contre elles et finit par les annihiler. Après une élude prolongée il jouera aussi anti-musicalement que s’il n’avait eu ni oreille, ni sentiment, ni rythme.

Nous avons eu, au sujet de l’éveil et du développement de la mémoire, des exemples divers.

Une jeune élève, dont l’immobilité remarquable nous avait frappé, mais qui avait dû renoncer même à l’étude du solfège à cause du défaut complet d’oreille, n’en avait pas moins une musicalité latente. En quelques mois de leçons de piano, elle a non seulement acquis une sonorité admirable, mais appris par cœur et sans étudier plus de