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LA MACHINE À COURAGE

Écrire des articles ? Faire des conférences ? du cinéma ? Que les directeurs sont bêtes donc de n’avoir pas encore présenté au public une artiste telle que vous ! »

« — Merci, merci, mon cher, on verra » !…

Véral retrouve un ami, agent de cinéma, qui a « des sentiments français » et qui conformera un scénario à mes idées. L’ami aux « sentiments français » me comprend. Malheureusement, je le comprends aussi — malgré un nez décisif il a des yeux en pénitence sous un front trop haut et une expression de chien sage. Je vois tout de suite qu’il ne pourra rien faire. Mais il envoie chez moi plusieurs « producers ». En face de cinq gros hommes à gros cigares je m’assois, je me lève, je ris, je souris, je tire avec résignation les ficelles de ma marionnette jusqu’à ce qu’on me dise « Stop ». Cependant ils ne partent pas, ils parlent entre eux et semblent embarrassés. Alors je ne connaissais pas encore la gêne spéciale de l’homme américain — pesante et puérile, grave et enfantine. Soudain le plus gros, qui paraît le plus important, allonge sa canne vers le bas de ma jupe et avec un sourire qu’il veut aimable.

— « Up ! Up ! please ». À cette époque les jupes descendaient assez bas et je sais le rôle que jouent les jambes sur l’écran américain. Alors il leur faut encore quelque chose. Cette fois c’est un gros doigt timide qui s’avance vers moi. Une voix interroge :

« — Corset ? »

Avant que j’aie pu répondre négativement, le doigt fonce sur mon plexus solaire pour s’assurer de sa liberté. Tout va très bien. Il n’y a plus qu’à chercher l’argent.


Depuis longtemps j’avais brisé la consigne de l’incognito. Je fréquentais des amis auxquels j’avais d’abord caché ma venue.

Ceux-là qui comprenaient mon point de vue ne voyaient pas de solution. Les conseils que je recevais n’étaient pas encourageants. Le journal pouvait me traîner indéfiniment.