Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/105

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remplir notre vie. Notre machine marche à moins de frais que dans la jeunesse ; nous brûlons moins de charbon. Or, le talent nouveau que se découvrit M. Bouilly, fut le talent d’orateur ; son occupation nouvelle, la franc-maçonnerie. La franc-maçonnerie est, pour les uns, un objet de terreur ; pour les autres, un objet de risée ; pour ceux-ci, un prétexte à mauvais dîners et à mauvais discours ; pour ceux-là, l’occasion d’excellentes œuvres de charité. Pour M. Bouilly, ce fut l’emploi de ses meilleures facultés naturelles : la sympathie d’abord ; il se trouvait du coup à la tête de vingt-cinq mille frères ! La générosité, il y avait toujours là quelque chose à donner ; l’éloquence, il y avait toujours là quelque chose à dire ; enfin, son fond même de vieux libéral y avait sa place, la franc-maçonnerie étant toujours de l’opposition. Les premiers grades étaient alors occupés par des hommes fort considérables : Philippe Dupin, Berville, Mauguin. M. Bouilly arriva facilement aux titres les plus élevés. Président de la loge des Amis de la vérité et membre supérieur du Grand-Orient, les réunions maçonniques, les cérémonies maçonniques, les banquets maçonniques, lui devinrent autant de sujets de discours, dont la préparation le mettait en verve, comme jadis ses premières représentations. Il les composait ainsi qu’une scène de théâtre, avec un plaisir de plus, celui de les agrémenter de citations latines. Le goût était alors aux citations, aux inscriptions, aux devises. Scribe, dans sa terre de Séricourt, ne construisait pas un kiosque, un moulin, une laiterie, une vacherie, sans l’orner de