Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/497

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petit plan de conspiration républicaine et, à l’occasion, passer au crible les acheteurs et les acheteuses. Celles-ci jetaient un regard inquiet du côté de ce cabinet, d’où partaient tant d’éclats de rire, et s’en allaient en disant : « Quel singulier magasin de porcelaines ! » Le résultat fut, on le devine, une liquidation très honorable, mais où Schœlcher laissa une cinquantaine de mille francs de son héritage.

Heureusement pour lui, il lui restait, de son voyage en Amérique, quelque chose qui pouvait le consoler de sa pacotille perdue et même de sa fortune amoindrie. Il n’avait pas seulement visité le Mexique, il avait passé à la Havane et aux États-Unis. Là, lui apparut, pour la première fois, l’esclavage. A cette vue, jaillirent comme par explosion, des plus intimes profondeurs de son être, toutes ses vertus naturelles, la haine de l’injustice, la passion pour la liberté, la sympathie pour tout ce qui souffre. L’âme de Wilberforce s’éveilla en lui, et quand il revint en France, il rapportait un trésor d’indignation, qui était un trésor de charité. Sa vie avait un but, son âme un principe. Il était parti commis voyageur, il revint abolitionniste.


I

M. de Pressensé a dit de Schœlcher : C’est un athée qui fait croire en Dieu. Le mot est charmant et profond.