Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/629

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m’a semblé que j’étais dans ma propre chambre, à ma dernière heure, que j’assistais à ma propre mort. Aussi lorsqu’à cette phrase : « Adieu triomphes du théâtre ! adieu ivresses d’un art que j’ai tant aimé » vous m’avez vue verser des larmes véritables, c’est que j’ai pensé avec désespoir, que le temps emporterait toute trace de ce qui aura été mon talent, et que bientôt… il ne resterait plus rien de celle qui fut Rachel ! »


I

Le succès d’Adrienne avait donné à Mlle Rachel une grande confiance en moi. Elle disait volontiers que j’avais renouvelé son talent, en la poussant malgré elle dans une nouvelle route ; notre travail des répétitions lui avait montré que j’étais capable d’enseigner un rôle de femme comme de l’écrire, et elle me demanda de lui faire faire un pas de plus en avant. Avec Adrienne, elle avait quitté les vers pour la prose, le monde antique pour le monde moderne, le péplum et la chlamyde pour la jupe à ramages ; elle voulut alors aborder un rôle de nos jours, paraître sur la scène en robe de ville, représenter non plus une héroïne, mais une femme, une femme du monde, Mlle Rachel enfin. Je lui proposai Louise de Lignerolles. Elle y avait vu Mlle Mars,