Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/776

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font les amoureux pour leurs billets doux. La fin de l’histoire la complète. Le lendemain matin, on se réunit pour le déjeuner. Mme de Lamartine entre en correspondance de gestes et de regards interrogatifs avec son complice, qui lui fait entendre que la correction est faite. « Eh bien ! mon cher, dit Lamartine, avez-vous lu mon Béranger ? ― Certainement ! ― C’est superbe, n’est-ce pas ? ― Sans doute… pourtant il y a un ou deux passages… ― Ne me demandez pas de changements, je n’en ferai pas ; c’est parfait ! ― Si pourtant vous me permettiez de vous soumettre deux légères modifications… » et il lui tend l’épreuve corrigée. Lamartine lit. « Excellent ! très juste ! vous avez mille fois raison ! » Puis se retournant vers sa femme : « Ce n’est pas toi qui aurais trouvé cela ! » La femme baissa la tête et sourit.

Cette admirable compagne des bons et des mauvais jours eut le regret de mourir avant celui pour qui elle avait vécu. Mais sa consolation, en le quittant, fut de lui léguer un dévouement égal au sien, un dévouement filial qui a veillé sur la longue agonie du poète et qui veille aujourd’hui sur sa gloire. La mémoire de Lamartine a une Antigone.

Ses funérailles furent marquées par un fait touchant. Transportés à Saint-Point, pendant l’hiver, ses restes quittèrent le chemin de fer à Macon, et traversèrent lentement les bourgs semés sur la route. La neige tombait avec abondance. A l’entrée de chaque village, se trouvaient le curé qui attendait le cercueil pour le bénir, et les populations qui se mettaient à genoux