Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

timents et les mêmes rêves se retrouvent bien, plus ou moins, dans tous ses ouvrages ; cela était inévitable. Ses livres sortent de la même source profonde et trouble : mais je ne vois pas bien qu’ils s’engendrent logiquement l’un l’autre. (Je reviendrai là-dessus dans mes conclusions.)

Voyons comment est née Julie ou la Nouvelle Héloïse. Il nous le raconte au livre IX des Confessions, abondamment et un peu confusément.

C’était au mois de juin. Il était à l’Ermitage. Il faisait de longues promenades dans les bois. Il rêvait. Il lui semblait, dit-il, que « la destinée lui devait quelque chose qu’elle ne lui avait pas donné ». Quoi ? L’amitié et l’amour, surtout l’amour. « Comment se pouvait-il qu’avec des sens si combustibles, avec un cœur tout pétri d’amour, je n’eusse pas du moins une fois brûlé de sa flamme pour un objet déterminé ? » Il revoyait toutes les femmes qui lui avaient donné de l’émotion dans sa jeunesse, « mademoiselle Galley, mademoiselle de Graffenried, mademoiselle de Breil, madame Basile, madame de Larnage, mes jolies écolières, et jusqu’à la piquante Zulietta ». (Il oublie carrément madame de Warens.)

Hélas ! il a beau évoquer tous ses souvenirs d’amour. Cela est assez maigre, et il le sait bien. Ces aventures ont à peine été des ébauches. Il n’y a qu’avec la facile madame de Larnage, qui avait tant de bonne volonté… Mais ce n’a guère été qu’une