Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/203

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Jean-Jacques. Il se trouvait un peu dans les romans de l’abbé Prévost, et surtout dans Diderot. Mais Jean-Jacques en a fait, dans le premier tiers de la Julie, un triomphal et effarant abus. Voici quelques courts exemples de ce style, pris véritablement au hasard, car on le trouve presque à chaque page.

Julie vient de revoir son père (qu’elle ne doit pas aimer autrement, d’après ce que nous savons) :

Ô toi que j’aime le mieux au monde après les auteurs de mes jours, écrit-elle à Saint-Preux, pourquoi tes lettres, tes querelles viennent-elles contraster mon âme ?… Tu voudrais que mon coeur s’occupât de toi sans cesse ; mais, dis-moi, le tien pourrait-il aimer une fille dénaturée, à qui les feux de l’amour feraient oublier les droits du sang, et que les plaintes d’un amant rendraient insensible aux caresses d’un père !

Et que dites-vous de ce délire de Saint-Preux :

Quelle taille enchanteresse !… Au devant deux légers contours… Ô spectacle de volupté !… La baleine a cédé à la force de l’impression… Empreintes délicieuses, que je vous baise mille fois !… Dieux ! dieux ! que sera-ce quand…

Et la phrase ne s’achève pas. — Du même Saint-Preux :

Oh ! si bientôt tu pouvais tripler mon être !… Si bientôt un gage adoré… Espoir trop tôt déçu, viendras-tu m’abuser encore ?… Ô désirs ! ô crainte ! ô perplexités !…