Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/220

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lit de malade elle s’attendrit, devant son mari, sur son premier amour ; elle débite d’avance l’essentiel de la Profession de foi du Vicaire Savoyard, et elle meurt.

Voilà, je crois bien, comment cette histoire s’est formée et développée dans l’imagination de Jean-Jacques, s’est pour ainsi dire nourrie de Jean-Jacques lui-même, presque au jour le jour, et sans un plan bien arrêté d’avance. Je ne sais pas si j’ai su vous le faire voir.

Je n’ai considéré que l’action même du roman, — « l’histoire ». Elle serait intéressante sans les déclamations, qui nous semblent aujourd’hui bien surannées, du premier volume. L’action est simple ; les situations et les faits y sont produits par les sentiments. — Wolmar paraît bien n’avoir jamais pu exister : mais Claire est assez vivante ; Saint-Preux est un des premiers types du héros romantique, faible, inquiet, plein de désirs et d’impuissance ; et Julie, sermonneuse, mais charmante, offre l’exemple, assez rare dans les romans, d’un personnage qui évolue, puisque c’est une jeune fille passionnée et déraisonnable, lentement transformée par sa fonction d’épouse et de mère. Tout cela, on l’a dit bien souvent. Si la Nouvelle Héloïse se réduisait à l’histoire passionnelle de Julie, de Saint-Preux, de Wolmar et de Claire, la Nouvelle Héloïse aurait quatre cents pages, et serait un livre plus parfait, et d’aspect plus classique en dépit d’une composition peu serrée.