Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/226

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chapitre amusant où cette dame visite, avec Duclos, le précepteur de son fils, le doux et paresseux M. Linant, et où l’on voit, par les propos de Duclos, que les plus raisonnables « hardiesses » de l’Émile étaient, comme on dit, « dans l’air ».

— Monsieur, dit Duclos au précepteur, peu de latin, très peu de latin ; point de grec, surtout… De quoi cela l’avancerait-il, votre grec ?… Il ne s’agit pas ici d’en faire un Anglais, un Romain, un Égyptien, un Grec, un Spartiate,… mais un homme à peu près bon à tout. — Mais, monsieur, objecte le pauvre Linant, ce n’est pas là une éducation ordinaire… Il faut réformer et refondre, pour ainsi dire, un caractère… — Qui diable vous parle de cela ? reprend Duclos… Gardez-vous-en bien, il ne faut pas vouloir changer le caractère d’un enfant ; sans compter qu’on n’y réussit jamais, le plus grand succès qu’on puisse s’en promettre, c’est d’en faire un hypocrite… Non, monsieur, non ; il faut tirer tout le parti possible du caractère que la nature lui a donné ; voilà tout ce qu’on vous demande, etc.

Une autre fois, dans le temps que Rousseau habite l’Ermitage, madame d’Épinay a avec lui un entretien où nous voyons déjà poindre l’idée de l’Émile (Mémoires de madame d’Épinay, tome III, lettre à Grimm.)

Joignez à cela, dans la Nouvelle Héloïse (Partie V, lettre 3), à propos des enfants de Julie, une quarantaine de pages, qui sont presque une première version du premier volume de l’Émile mise dans la bouche de monsieur et de madame de Wolmar, — version moins systématique et plus vraie.