Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/235

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est et a toujours été de la combattre sur certains points, de la réformer, de l’épurer.

Mais Rousseau dirait sans doute : Cela m’est égal. J’appelle naturel ce qui est bon, ce qui me ressemble. Je dis que ce qui n’est pas bon n’est pas naturel. La nature est bonne ; la société n’est pas naturelle puisqu’elle n’est pas bonne ; j’éléverai Émile selon la nature. — A quoi l’on n’a plus rien à répondre, puisque tout cela n’est plus que jeu et abus de mots, et que Rousseau appelle les choses comme il lui plaît.

Reprenons l’histoire de l’éducation d’Émile ; nous aurons peut-être quelques surprises.

Pour que l’enfant se développe « selon la nature », c’est bien simple, il ne faut rien lui apprendre, Rousseau appelle cela l’« éducation négative ».

Il faut, d’une part, le laisser libre autant que possible, le laisser jouir du bonheur propre à son âge. Mais il faut aussi, d’autre part, le soumettre directement à la leçon des choses, en sorte qu’il apprenne lui-même, à ses dépens, ce qu’il doit rechercher ou éviter. Les choses sont souvent hostiles. Il est excellent qu’il en pâtisse, qu’il s’habitue tout seul à resserrer sa vie, à distinguer ce qui dépend de lui et ce qui n’en dépend pas, à accepter la nécessité. Ainsi, à l’enfant élevé selon la nature, la première leçon muette est une leçon de résignation.

Ô homme, dit Rousseau, resserre ton existence au-dedans de toi, et tu ne seras pas misérable. Reste à la place que la nature t’assigne dans la chaîne des êtres,