Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/275

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rannie d’un parti. (Sans compter qu’il aboutit, d’une façon générale, à l’asservissement ou plutôt à la submersion des capables par les incapables, qui sont les plus nombreux.) — Et nous voudrions bien savoir, comment, dès lors, les votants de la minorité pourraient bien demeurer les égaux des votants de la majorité, lesquels peuvent littéralement tout contre les vaincus du suffrage.

Rousseau connaît l’objection. Il la formule ainsi :

Hors le contrat primitif (où l’unanimité est nécessaire) la voix du plus grand nombre oblige tous les autres ; c’est une suite du contrat même. Mais on demande comment un homme peut être libre et forcé de se conformer à des volontés qui ne sont pas la sienne. Comment les opposants sont-ils soumis à des lois auxquelles ils n’ont pas consenti ?

Et voici sa réponse :

Je réponds que la question est mal posée. Le citoyen consent à toutes les lois, même à celles qu’on passe malgré lui, et même à celles qui le punissent quand il ose en violer quelqu’une. La volonté constante de tous les membres de l’État est la volonté générale ; c’est par elle qu’ils sont citoyens et libres. Quand on propose une loi dans l’assemblée du peuple, ce qu’on leur demande, ce n’est pas précisément s’ils approuvent la proposition ; mais si elle est conforme à la volonté générale qui est la leur : chacun en donnant son suffrage dit son avis là-dessus, et du calcul des voix se tire la déclaration de la volonté générale. Quand donc l’avis contraire au mien l’emporte, cela ne prouve autre chose sinon que je m’étais trompé et que ce que j’estimais