Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/276

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être la volonté générale ne l’était pas. Si mon avis particulier l’eût emporté, j’aurais fait autre chose que ce que j’aurais voulu ; c’est alors que je n’aurais pas été libre (IV, 2). (C’est le « droit divin » de la majorité.)

Franchement, cette page n’offre aucun sens. Qu’est-ce donc que la « volonté générale » ? Nous comprenons, par le chapitre précédent, que c’est la volonté de ce qui est conforme à l’intérêt général, et que chaque citoyen a toujours et nécessairement cette volonté-là. Soit. Mais qui décidera ce qui est conforme, sur tel point, à la volonté générale ainsi entendue ? Ce sera forcément la majorité ; et, comme elle n’est pas infaillible, elle aura donc seulement signifié ce qui est conforme, sur ce point-là, non à la volonté générale, mais à la volonté de la majorité, et rien de plus ; et la minorité n’en sera pas moins lésée.

Au reste Rousseau, après son énigmatique raisonnement, veut bien ajouter :

Ceci suppose, il est vrai, que tous les caractères de la volonté générale (c’est-à-dire, d’après lui-même, la clairvoyance, la justice et le désintéressement) sont encore dans la pluralité. Quand ils cessent d’y être, quelque parti qu’on prenne, il n’y a plus de liberté.

Mais comment maintenir dans la pluralité « tous les caractères de la volonté générale » ? Autrement dit, comment faire que la majorité soit toujours « clairvoyante, juste et désintéressée » ? Rousseau ne répond pas parce qu’il n’y a rien à répondre.