Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/280

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Il écrit :

Que de choses difficiles à réunir ne suppose pas ce gouvernement ! Premièrement un État très petit, où le peuple est facile à rassembler et où chaque citoyen peut aisément connaître tous les autres ; secondement, une grande simplicité de mœurs qui prévienne la multitude d’affaires et de discussions épineuses ; ensuite beaucoup d’égalité dans les rangs et les fortunes, sans quoi l’égalité ne saurait subsister longtemps dans les droits et l’autorité ; enfin peu ou point de luxe, car le luxe est l’effet des richesses, ou il les rend nécessaires ; il corrompt à la fois le riche et le pauvre, l’un par la possession, l’autre par la convoitise… ; il ôte à l’État tous ses citoyens pour les asservir les uns aux autres, et tous à l’opinion…

…Ajoutons qu’il n’y a pas de gouvernement si sujet aux guerres civiles et aux agitations intestines que le démocratique ou populaire…

…S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes.

Ainsi, il ne convient pas même aux Corses. Alors à qui convient-il ? Et pourquoi avoir écrit le Contrat social ? — Ici, comme pour la Julie, comme pour l’Émile, les amis de Rousseau disent (en de meilleurs termes) : « Oui, cela paraît idiot, mais c’est très noble : c’est un idéal que Rousseau propose et dont il serait beau de se rapprocher. » — Pourquoi ? Il y a des « idéaux » qui ne sont pas désirables du tout. Tel idéal implique une telle méconnaissance des réalités, ou des sentiments si suspects chez ceux qui l’ont conçu ou prôné, qu’il peut être très