Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/317

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une place de conseiller d’État de Neuchâtel pour le colonel Pury, gendre de Dupeyrou :

C’est ainsi, dit-il, que le sort, qui m’a toujours mis trop haut ou trop bas, continuait à me balloter d’une extrémité à l’autre : et, tandis que la populace me couvait de fange, je faisais un conseiller d’État.

(Que de phrases de ce genre, — rappelez-vous, — dans les Mémoires d’outre-tombe !)

Et cependant, parmi cet orgueil et parmi ces commencements de démence, il n’est point douteux que Rousseau ne devienne meilleur. Ses infortunes ne le détachent point de lui-même, mais le détachent de beaucoup de choses contingentes et passagères. Il s’exerce à cette résignation qu’il définit si bien dans l’Émile. Entre ses crises d’orgueil ou de délire, il est patient et doux. Il est à noter que toutes les amitiés qu’il a faites ou confirmées dans ce temps-là (mylord Maréchal, Dupeyrou, Moultou, même l’ennuyeux d’Ivernois), il leur est resté fidèle jusqu’à sa mort, et les a à peu près exceptées de sa manie soupçonneuse.

Enfin, l’âme religieuse de Jean-Jacques devient plus purement religieuse. Si les pasteurs genevois avaient été indulgents pour lui, son spiritualisme eût assez facilement accepté la forme confessionnelle de l’église genevoise. Mais, éclairé en même temps qu’irrité par l’intolérance protestante, il se dégage de tout reste de protestantisme, et je ne dirai pas qu’il tend au catholicisme (où il passa, après tout, vingt-six ans de sa vie et