Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/342

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qui a souvent menti dans sa vie, et qui en souffre. Et cela, — pour la première fois, et la seule, — l’amène à un sentiment qui est bien, enfin, de l’humilité, ou qui en est bien proche :

Ce qui me rend plus inexcusable est la devise que j’avais choisie (Vitam impendere vero). Cette devise m’obligeait plus que tout autre homme à une profession étroite de la vérité… Voilà ce que j’aurais dû me dire en prenant cette fière devise, et me répéter sans cesse tant que j’osai la porter. Jamais la fausseté ne dicta mes mensonges, ils sont tous venus de faiblesse, mais cela m’excuse bien mal. Avec une âme faible, on peut tout au plus se garantir du vice ; mais c’est être arrogant et téméraire d’oser professer de grandes vertus.

Ici, vraiment, il commence à se connaître. Cependant, il ne voit encore et ne condamne que les mensonges de sa vie, — non les mensonges, plus funestes, de ses livres. Ceux-là, il mourra sans les connaître, car ils sont toute son âme, où l’aveugle sensibilité est reine.

Enfin, c’est dans la cinquième Promenade, plus encore que dans le voyage de Saint-Preux aux montagnes du Valais (Nouvelle Héloïse, I, lettre 23), plus encore que dans le pèlerinage de Saint-Preux et de Julie à la Meilleraye (IV, lettre 17), que Rousseau apporte, en toute vérité, une façon nouvelle, — nouvelle par le degré, nouvelle par l’insistance, — de voir, de sentir, d’aimer et de décrire la nature.