Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/351

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renoue une tradition. Nourri, loin de Paris et de la mode, des grands écrivains du XVIIe siècle, lorsqu’il se met à écrire, il en adopte la phrase harmonieuse, complexe, périodique. On a dit qu’il avait retrouvé le style de Bossuet : il en retrouve du moins l’ampleur et le mouvement. Il a moins d’images que Bossuet, et moins inventées ; mais il en a de fort belles et quelquefois empruntées à des objets nouveaux. Sa construction est plus serrée, et d’une syntaxe moins libre, d’une plus étroite correction que celle du grand orateur. Il recherche plus que lui les antithèses et les balancements de mots. Tout en conservant, à l’ordinaire, la largeur du rythme, il vise davantage à la concision : mais, comme il aime à répéter plusieurs fois la même idée avec des mots différents, il arrive qu’une de ses pages paraisse concise dans le détail et prolixe dans l’ensemble. — Il a un extrême souci de l’oreille. Une des singularités de son style, c’est le soin avec lequel il évite, dans la même phrase, les répétitions de mots, — remplaçant le substantif, autant qu’il le peut, par le pronom personnel, démonstratif ou possessif selon les cas, — et cela, fréquemment, jusqu’à rendre la phrase difficile à comprendre. Il préfère l’obscurité à l’apparence même de la négligence. Je vous en donnerai, pour ne pas paraître moi-même obscur, un exemple, que je n’ai pas eu à chercher longtemps. C’est dans la Nouvelle Héloïse (deuxième partie, lettre 25), à propos du portrait de Julie, que Saint-Preux trouve trop décolleté :