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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


S’agrafant sur les talus,
Ils demeurent à leur poste,
Cherchant s’ils n’entendront plus
Rouler les chaises de poste.

Ils regardent les travaux
Exécutés dans la plaine,
Pendant que les lourds chevaux
Près d’eux reprennent haleine.

Leurs ombres sur le pavé
Rompent les lignes trop blanches.
Plus d’un marcheur a trouvé
Un bon siège sous leurs branches.

Les maraîchers, les laitiers
Devant eux passent par troupe,
Défilent des soirs entiers
Après l’heure de la soupe :

Les ormes savent leurs noms,
Et vers la ville voisine
Ils suivent ces compagnons
Dormant dans la limousine.

Mais le sort leur fut cruel :
Depuis la guerre perfide,
Beaucoup manquent à l’appel
Et plus d’une place est vide.

Car beaucoup sont morts, contrits,
Malgré leur noblesse ancienne,
D’avoir guidé vers Paris
Quelque avant-garde prussienne.


(La Clé des Champs)