Page:Lenotre - Prussiens d’hier et de toujours, 1916.djvu/49

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se développer. J’aurais bien voulu connaître celui qui, le premier, lança ce mot de kultur dont la fortune fut si singulière ; je crois que c’est Kant ; mais je n’en suis pas certain. Il faudrait, pour être fixé sur ce point, avoir le courage de lire tous les écrits des philosophes allemands, et il y en a ! Un « poilu » reculerait devant une telle entreprise...

Kant posait donc en principe que « l’ordre social parfait est le dernier terme de la culture », et que « l’homme a deux fins et deux devoirs : la perfection pour soi et le bonheur des autres ». « Vis-à-vis de moi, argumentait-il, je dois avoir en vue la perfection, non le bonheur ; vis-à-vis des autres je dois me proposer le bonheur, non la perfection. » On pourrait là trouver en germe toutes les outrecuidantes maximes qui ont bouffi d’orgueil la moutonnière Allemagne et l’on conduite à la plus néfaste infatuation.

Car vous pensez bien que dans ce pays d’ergoteurs et de logiciens les propositions de Kant ont été reçues mieux que paroles d’Évangile ; tous les professeurs de Berlin, d’Iéna, de Tübingen et d’ailleurs, s’acharnant là-dessus depuis un siècle, se sont persuadés qu’ils ont mis le précepte en pratique : Kant avait indiqué le chemin de la perfection sociale et ses commentateurs, dès la fin du XVIIIe siècle, rêvaient l’âge d’or et parlaient déjà d’en faire bénéficier le monde entier ; Fichte glorifiait l’État prussien comme étant l’éducateur du genre humain. Scharnhorst et ses collaborateurs se