Page:Lenotre - Prussiens d’hier et de toujours, 1916.djvu/50

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vantaient d’avoir « imprimé pour jamais à l’armée prussienne le caractère d’une sérieuse culture » ; le mot avait fait fortune : avant même les désastres de 1806, l’Allemagne entière en était grisée ; il revenait à tout propos et l’on enseignait dans toutes les chaires que « le triomphe de cette culture serait celui de Dieu sur la terre et la défaite de la bande de Satan, c’est-à-dire de la France.

Partie sur cette voie engageante, mais dangereuse, la philosophie allemande dérailla : Hardenberg, sous le pseudonyme de Novalis, prophétise – avant 1800 – que « l’Allemagne devance les autres peuples européens et travaille à une époque supérieure de la culture » – encore ! Cette avance incontestable doit lui donner « sur les nations voisines une écrasante prépondérance » ; – Schelling, qui vivait dans la première moitié du XIXe siècle, en arrive à se demander si le destin de l’Allemand n’est pas, tout simplement, « l’immortel destin de l’homme, en ce sens que seul il franchit toutes les différentes étapes que les autres peuples représentent isolément, pour réaliser à la fois la plus haute et la plus riche unité dont soit capable la nature humaine » ... Qu’on ne s’étonne pas de ce galimatias : ces doktors allemands, grands emmagasineurs de formes et d’idées, ne parviennent jamais à les exposer à leur gré, et – comme l’a fort justement remarqué Lavisse – « portent en eux un chaos dans l’attente d’un fiat lux qui ne viendra jamais ».

S’ils écrivent péniblement, ils n’en ont pas moins la conviction indéracinable de leur perfection.