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derrière les vieux murs en ruines

cart, des tfinat en impalpables gazes nuancées comme des arcs-en-ciel, des colliers aux tremblantes pendeloques, des anneaux d’oreilles alourdis de pierreries, des ferronnières endiamantées.

Une robe en soie « safran » irrite le satin vert émeraude qui l’avoisine, un « soleil du soir » se pâme auprès d’un « bleu geai » et tous les roses, tous les jaunes, tous les oranges se provoquent en de muets combats exaspérés.

Les visages mats, bruns et noirs restent calmes dans la mêlée ardente des couleurs, les paupières battent lentement sur les longs yeux aux sombres pupilles… Elles ne bougent pas, ne parlent pas, figées en leurs splendeurs, investies de cette dignité des parures et de la fête.

On dirait une assemblée de poupées.

La plus âgée n’atteint pas onze ans, les plus jeunes ont passé deux ou trois Ramadans… Très dignes, elles boivent le thé en des verres bleus, rouges et dorés ; parfois elles battent des mains pour accompagner les chants des musiciennes improvisées. Celles-ci, tapant sur leurs tarijas, et secouant leurs tambourins, se démènent avec des airs tendus, crispés, enamourés, de vraies cheikhat. Et leurs voix pointues s’efforcent d’être rauques :

Ô dame ! ô ma maîtresse ! ô dame ! ô mignonne !
Rien n’arrive qui ne soit écrit.
Ô censeur, pardonne !
Les amants sauront m’excuser…