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reparaître, risquaient un pied, puis l’autre, et finalement se montraient tout entiers à la faveur de l’effroi universel.

Léonce Dupont, Souvenirs de Versailles pendant la Commune, p. 10. Dentu, édit., Paris, 1881.

À rapprocher ce croquis de Pierre Véron, dans le Monde Illustré, du 8 avril 1871 :

Versailles présente l’amalgame le plus hétérogène. Les hommes politiques connus y coudoient les demi-mondaines en renom ; M. Prud’homme, tout ému, s’y est réfugié en même temps que maint prince du million. Tout cela gravite dans l’étroit espace compris entre le chemin de fer et la rue des Réservoirs.

Dès 7 heures du matin, on est dehors pour faire la chasse aux nouvelles. Les marchands de journaux, glapissant et courant, parcourent les rues avec l’aurore. Leurs vociférations répondent aux éclats de la trompette sonnant la diane sur les boulevards transformés en camps.

Puis commence l’assaut des boutiques de coiffeurs, un des épisodes les plus mouvementés de la journée.

La plupart des émigrés ont négligé de se munir des accessoires indispensables de la toilette. D’où l’invasion quotidienne des lavabos de perruquier.

On se livre bataille autour d’un morceau de savon. Un peigne est une conquête qui coûte de laborieux efforts ; quant à une brosse à dents, il n’en reste plus une de disponible à Versailles depuis huit jours.

Comme impression générale, le Versailles de l’émigration ressemble à s’y méprendre aux villes d’eau quand a sonné l’heure de la villégiature. L’analogie est tellement frappante qu’on a toujours envie de se demander quand on se rencontre : Avez-vous pris votre bain ?

Le bain est remplacé par les séances de l’assemblée, qui, d’ailleurs, joue son rôle d’étuve le plus consciencieusement du monde.

Chaque nuit, au poste de la mairie, la garde nationale donne asile à une cinquantaine de vagabonds involontaires ; on a fini par leur faire un coin sur des sacs de café.

Quand hommes ou femmes se présentent, le chef du poste leur montre galamment leur gîte, du même geste qu’un hôtelier désignerait sa chambre à un voyageur attendu.